a

FAQ's

Les colonisateurs ne réduisirent-ils pas les noirs en esclavage ?

Au contraire, ils les en libérèrent malgré le choc violent de l’arrivée d’un mode de vie révolutionnaire par constraste avec les coutumes en place.

Pour la grande majorité des sociétés africaines, l’esclavagisme constituait une des institutions fondamentales de leur système économique et social : l’esclave était la seule monnaie ayant cours partout, et la possession de nombreux esclaves classait le maître dans la hiérarchie sociale. La production de cette « marchandise » était assurée par les guerres tribales – dont certaines n’avaient d’autre but que la razzia – et par le système judiciaire : civil (la réduction en esclavage du débiteur insolvable et de sa famille) et pénal (en châtiment pour le meurtre, l’adultère, la sorcellerie noire et le vol non indemnisé). Cette constatation n’a rien de péjoratif : l’esclavage – quelle qu’en soit notre perception actuelle -correspond à un certain stade de l’évolution des sociétés, et fut pratiqué par tous les peuples.

Dès le 1er siècle de notre ère, l’Afrique était réputée en Orient pour la facilité avec laquelle on pouvait s’y procurer des esclaves. Opone et Zanzibar approvisionnent le Golfe Persique, l’Iran, l’Inde et l’Indonésie. Des esclaves révoltés y créèrent même d’éphémères royaumes.

L’introduction du chameau en Afrique à partir du IIe siècle et la diffusion de l’islam à partir du VIIe suscitent de nouveaux courants : la traite transsaharienne s’ajoute à l’asiatique. Elle approvisionne surtout l’Afrique du Nord, mais aussi, plus marginalement, l’Europe méditerranéenne, en manque de main-d’oeuvre pour la culture de la canne à sucre.

Tout naturellement les colons français des Antilles, confrontés au même problème, recoururent à la traite existante, qui se créa ainsi de nouveaux débouchés, via la côte occidentale d’Afrique et le Golfe de Guinée. Les Américains suivirent : ils produisaient du coton, culture encore plus exigeante en main-d’oeuvre que la canne à sucre. Le problème des Espagnols fut différent. Dès le début de la Conquista, leur Conseil des Indes proscrivit la réduction des Indiens en esclavage : les colons espagnols se tournèrent donc aussi vers le marché africain existant pour se procurer les domestiques, manœuvres et ouvriers dont ils avaient besoin.

La traite atlantique fut toutefois de courte durée : trois siècles, comparativement aux dix-neuf des Arabes. Les premiers Noirs arrivent en Amérique, avec la canne à sucre, vers 1500, mais dès 1808 la traite est interdite par la Grande Bretagne et les Etats-Unis. Il fallut cependant encore une cinquantaine d’années pour mettre fin effectivement au trafic des navires négriers, devenus hors-la-loi. Quant à la traite arabe, qui ne pouvait plus se diriger que vers l’Océan Indien, il incomba au Roi des Belges Léopold II, d’en extirper les dernières racines par ses campagnes anti-esclavagistes des années 1890, dans l’Est du Congo.

S’agissant de la traite intérieure, les puissances européennes y avaient mis fin au fur et à mesure qu’elles occupaient l’intérieur de l’Afrique : la prohibition de l’esclavage, comme celle des autres pratiques dégradantes et inhumaines, allait de soi. Mais si la colonisation européenne supprima l’esclavage, celui-ci resurgit avec la décolonisation. La Mauritanie, le Nigéria et le Soudan, pour ne citer que ce dont on est certain, ont repris le commerce des hommes. Ailleurs, il réapparaît sous d’autres formes : l’acquittement de dettes, l’affermage fictif etc…

Il faut, pour terminer, signaler une différence fondamentale entre les deux formes de traite : l’arabe et l’atlantique : la première, qui porta sur le plus grand nombre d’hommes pendant la plus longue durée, n’a laissé aucune trace, autre que négative, dans l’évolution culturelle de l’humanité, faute d’avoir laissé subsister suffisamment de survivants ayant conservé leur identité; la seconde, relativement brève, a fait éclore des cultures afro-antillaise, afro-américaine et afro-amérindienne comptant des dizaines de millions de représentants.