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FAQ's

Pourquoi la discrimination raciale, la séparation entre les cités blanches et noires, les différences de salaires ?

La discrimination raciale n’est pas propre aux sociétés coloniales : elle sévit toujours actuellement partout dans le Monde, et en particulier dans les pays les plus développés, comme les Etats-Unis par exemple. Elle y relève de l’irrationnel, Blancs et Noirs partageant le même « american way of life », se reconnaissant dans une même culture et un même patriotisme, pratiquant la même langue et les mêmes religions, partageant le même sentiment d’exercer un leadership mondial etc…

Ces facteurs d’intégration n’existaient pas dans la société coloniale – c’est bien d’ailleurs pour cette raison qu’il s’agit d’un système social dépassé et qui n’est plus reproductible.

Mais les discriminations, à l’inverse de celles d’aujourd’hui, pouvaient s’y expliquer par des raisons objectives.

Des individus de culture et de niveau de vie complètement différents se sont trouvés brusquement en présence. Etait-il concevable, dans ces conditions, que les Blancs s’installent d’autorité au milieu des villages indigènes – ceux-ci les auraient-ils d’ailleurs acceptés ? – que les uns et les autres adoptent du jour au lendemain les mêmes usages, les mêmes conceptions, en matière sanitaire p.ex., les mêmes organisations familiales, sociales et éducatives, la même langue et la même religion. Non, les Blancs ne pouvaient que s’installer en marge des habitats préexistants, pour préserver leur mode vie et celui de leurs voisins noirs.

Dans l’idéal, cette situation était certainement appelée à évoluer, et on vit en effet quelques « évolués » s’installer dans les cités blanches, et des commerçants, surtout Portugais, s’établir parmi les Noirs. Preuve que cette discrimination n’était ni imposée ni voulue, comme l’était l’apartheid sud-africain. Des dispositions légales punissaient d’ailleurs, beaucoup plus sévèrement que les nôtres, en Belgique, les expressions trop manifestes du racisme.

Mais l’évolution vers le mélange des sociétés et des cultures ne peut être qu’extrêmement lente, si l’on en juge d’après les exemples d’Amérique du Nord et du Sud, où après plus de quatre siècles de cohabitation les sociétés demeurent en grande partie séparées, et par les situations indonésiennes, où Chinois et Malais persistent à vivre côte à côte, sans s’interpénétrer. Dans les pays du Proche et du Moyen Orient, Arabes, Chrétiens et Juifs refusent aussi le rapprochement, et l’exemple des Balkans est trop proche pour que les anticolonialistes d’Europe – en tête desquels se trouvait le yougoslave Tito – puissent encore prétendre donner des leçons aux anciens coloniaux.

La question des salaires révèle les mêmes complexités. A travail égal, salaire égal. Mais de nos jours encore on ne paie pas l’ingénieur ou le monteur qui s’expatrie pour construire une usine en Chine de la même façon que celui qui demeure au pays pour y accomplir un travail semblable.

Et l’ingénieur et le monteur chinois, qui travaillent à côté de leurs collègues expatriés, ne prétendent pas recevoir la même rémunération. Les différences sont d’ailleurs bien plus grandes que dans les ex-colonies où le sommet des échelles salariales des employés indigènes en était venu à rejoindre le bas des échelles de leurs collègues européens.

Les « évolués » – on les comprend – auraient voulu être tout simplement intégrés dans la société blanche, tant au niveau des rémunérations que du statut social et des fréquentations amicales et sociales. Dans les principes, ils avaient raison, et sur le plan des relations personnelles et amicales ils eurent souvent satisfaction. Mais du point de vue social, une évolution vers une intégration complète dans la société blanche aurait privé les Noirs de leurs élites, celles précisément qui réclamèrent et obtinrent l’Indépendance. Assimilation et Indépendance étaient antinomiques, et chacune des communautés le ressentait inconsciemment : trop se lier avec les Noirs signifiait pour beaucoup de Blancs la fin du régime colonial dont ils bénéficiaient, et trop s’intégrer revenait pour les meilleurs des Noirs à renier leur identité, leur passé, leurs solidarités familiales et claniques et renoncer à toute fierté : ils étaient les premiers parmi les leurs, à quel niveau se seraient-ils retrouvés parmi les Blancs ? Ils ont finalement préféré être les premiers chez eux, à défaut d’avoir pu obtenir des Blancs la place qu’ils s’estimaient en droit d’obtenir de ceux qu’ils considérèrent finalement, et avec raison, comme des étrangers.