Les manifestations antiracistes en Belgique ont conduit à exiger la démolition de Léopold II. Dans une interview accordée à ERR, Baudouin Peeters, Administrateur-Délégué (2019-2023) de l’Union Royale Belgo-Africaine, a déclaré que la suppression de statues n’aiderait pas les gens à mieux comprendre l’histoire.
Vous avez écrit une lettre et vous souhaitez protéger les monuments de Léopold II. Pourquoi ?
Nous constatons qu’elle fait partie de notre histoire et nous ne devons pas tourner le dos à notre histoire, c’est l’histoire des Belges et de la Belgique, et la suppression des statues ne nous aide pas à comprendre l’histoire. Les événements passés doivent être compris dans le contexte de notre temps. C’est très important si nous voulons comprendre ce qui s’est passé dans notre histoire. Nous n’allons pas abattre les figures de Léopold II, qui était un grand roi, un visionnaire, notamment dans les domaines de la culture, de l’urbanisme et de l’économie. Je voudrais vous rappeler que la Belgique était à l’époque la deuxième puissance industrielle au monde. Tout comme nous ne démontons pas les statues de Jules César, Clovis, Godefroy de Bouillon, Charles Quint ou Napoléon, qui font également partie de notre histoire.
Nous constatons que l’héritage de Léopold II, ce qu’il a donné à la Belgique et au Congo, fait partie de notre histoire, nous devons vivre avec et nous pouvons être fiers de ce qu’il a fait pour notre pays.
En même temps, c’est une histoire triste et douloureuse pour de nombreux Congolais et pour de nombreuses personnes qui vivent désormais en Belgique. Que leur dites-vous ?
Nous constatons que certaines personnes interprètent l’histoire avec un agenda idéologique caché et obscurantiste. Ils veulent promouvoir d’autres choses. Les événements dramatiques aux États-Unis n’ont rien à voir avec Léopold II. Ces événements sont instrumentalisés en jouant avec les émotions des gens pour faire avancer l’agenda idéologique. On peut également souligner un certain nombre de choses positives que les Belges et la Belgique ont faites en Afrique et, au Congo en particulier, notamment tout ce qui a été fait en matière de santé, d’éducation, de culture et de conservation de la nature, par exemple.
Le roi de Belgique a regretté son passé colonial au Congo. Comment évaluez-vous ce qu’il a fait au Congo, il a tué des millions de personnes en même temps?
Ça c’est vous qui l’affirmez…. De nombreux historiens n’interprètent pas les événements de cette manière. Ce devrait être aux historiens de faire le point sur ce que les Belges ont fait en Afrique. Ce n’est pas à nous, ni aux journalistes ni aux gens d’aujourd’hui, de dire ceci ou cela. Les historiens et les professeurs d’université doivent faire ce travail de recherche et de mémoire.
Cependant, de nombreux historiens s’accordent à dire qu’un grand nombre de personnes y ont été tuées alors que Léopold II était au pouvoir. Mais pourquoi est-il si important pour la Belgique? Les contemporains de Léopold II en Belgique y ont mis fin à son royaume et l’ont ramené dans le giron de l’État belge. Après sa mort, cependant, il est tombé dans l’oubli, et les gens parlent de son action et méfaits au Congo plutôt que du Roi Bâtisseur…
Il faut savoir qu’au Congo, beaucoup admirent Léopold II et il y a des historiens congolais qui écrivent qu’il était le plus grand chef d’État de l’histoire du Congo.
Et beaucoup de gens en Belgique pensent qu’il était un visionnaire extraordinaire. Bien sûr, tout n’était pas parfait, mais il faut souligner que, objectivement, il a mis fin à l’esclavage, l’esclavage arabe qui avait lieu au Congo à son arrivée. Il y a beaucoup de jalousies à l’égard de Léopold II au Congo, notamment de la part des Britanniques, qui ne comprennent pas comment un petit pays dirigé par Léopold II a pu s’emparer du plus grand pays d’Afrique sous le nez et à la barbe des grandes puissances. Cela se traduit par des campagnes diffamatoires et de calomnies contre Léopold II.
Il n’a jamais mis les pieds au Congo, comme vous le savez. Mais il a voulu faire la lumière sur les événements en traitant la question par une commission d’enquête internationale, dont il a immédiatement présenté le rapport au public. C’est une manière très transparente de gérer cela. Il a pris des mesures pour corriger les abus de certaines personnes sur le terrain. Mais les actions et les chiffres que certains lui attribuent sont totalement irréalistes. Ils ne sont pas exacts et ce n’est pas la vérité historique. Et encore une fois, je trouve que le travail des historiens est d’examiner ce qui s’y est passé, à la fois les éléments positifs et négatifs.
Extrait et traduit de la version originale d’Uudised, Välismaa, Epp Ehand 28.06.2020
https://www.err.ee/1106957/belgia-aafrika-uhing-kujude-mahavotmine-ei-aita-ajalugu-moista